Que seraient les Fêtes sans musique? Chaque année, les airs rythment décembre et composent la trame de nos souvenirs. Certains deviennent des morceaux très personnels qui s'installent dans notre vie, bien au-delà du Noël de notre enfance. Pour Modibo Keita, c'est My Favorite Things. Mais pas n'importe quelle version : l'adaptation jazz par John Coltrane.
Modibo Keita est un tromboniste bien connu de la scène jazz montréalaise ainsi qu'un autoproducteur engagé. La musique? Il est tombé dedans quand il était petit!
Fils d'immigrants maliens, le musicien a grandi dans la culture et les rythmes africains au cœur d'une famille mélomane. Parallèlement avec ses amis, il a été immergé très tôt dans le hip-hop des années 90, qui utilisait l'échantillonnage pour créer de nouveaux sons. C'est dans ce brassage de styles qu'il a découvert le jazz. Peu à peu, son oreille s'est affinée. Il pouvait dire, en écoutant une chanson de KRS-One par exemple : «Ah! C'est Clifford Brown qui joue là-dessus!»
«J'avais déjà un rapport très proche avec la musique d'un point de vue consommateur. Quand on m'a donné la chance de jouer d'un instrument au secondaire, c'était juste le prolongement de mon exposition à la musique. Je dis souvent que la raison pour laquelle j'en joue, c'est pour avoir le meilleur siège pour en écouter!»
Celui qui a fait son baccalauréat en musique à Toronto exprime désormais ses racines plurielles dans une fusion de styles unique et moderne, inspirée de modèles avant-gardistes comme Roy Hargrove.
«Il représentait vraiment les éléments de mon identité : c'était un musicien jazz qui allait sur scène avec un tailored suit pis une paire de Jordans! [rires] Autant il a joué avec des grands comme Benny Golson, autant il a joué avec des Erykah Badu, des Common, des The Roots. Il vivait dans les deux mondes en même temps!»
C'est précisément ce genre d'hybridations culturelles et artistiques qui rendent le jazz si unique à Montréal, si vivant, selon le tromboniste. Une effervescence à laquelle il est fier de contribuer, notamment avec son projet The Shed. Cette série de concerts rassemble des musiciens de métropoles comme Toronto et New York autour d'un orchestre local pour deux heures de symphonie improvisée.
«L'emplacement change toujours et est révélé 24 heures à l'avance. C'est comme une société secrète [rires]. Pourtant, nous nous sommes produits chaque fois à guichets fermés. Ça crée des moments de musique vraiment uniques.»
Un autre plan occupe également l'agenda du musicien : un projet à grand orchestre qui mélangera le jazz, le trap et le hip-hop. Il est présentement en écriture et espère passer en studio l'an prochain.
«J'ai vraiment hâte. C'est un des projets qui me tient le plus à cœur, parce qu'il est 100 % moi.»
D'ici à ce que ses souhaits se réalisent, une pause bien méritée approche : les Fêtes! Son moment préféré de l'année lui permet de ralentir pour retrouver la famille, jouer aux dominos et aux cartes avec sa nièce… et surtout, pour célébrer l'anniversaire de son père, le 1er janvier!
«On fête plus mon père que Noël en réalité. C'est quand même gros : toute la famille débarque. Pis le repas qui n'en finit plus, et les gens qui se couchent à 6 ou 7 heures du matin…»
Bien sûr, la musique trône au cœur des festivités chez les Keita. Pendant la préparation du festin qui s'étire sur toute la journée, c'est généralement la collection du paternel qui tourne. Il faut bien laisser son moment au fêté!
En même temps, ces airs d'une autre époque éveillent chez Modibo ses propres souvenirs d'enfance, quand sa partition s'écrivait déjà…
«Petit, j'aimais vraiment regarder les émissions spéciales des Fêtes à la télévision. J'écoutais Tintin, Lucky Luke, Astérix. Pis il y avait La mélodie du bonheur qui passait tout le temps, avec My Favorite Things. C'est une chanson que John Coltrane a popularisée et qui m'a suivi dans la vie. En grandissant et en approfondissant ma musique, j'ai continué à la jouer. Elle est devenue un souvenir marquant pour moi.»
Place à la musique : écoutez Modibo Keita!