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Rencontrez Virginia Pesemapeo Bordeleau

21 déc 2022

« Je suis de mélopées, de danses ancestrales,
de folklore et de sets carrés »

De rouge et de blanc

Virginia Pesemapeo Bordeleau est une artiste multidisciplinaire eeyou membre de la communauté autochtone de Waswanipi. Bachelière en arts plastiques, elle se fait d’abord remarquer par la puissance évocatrice de ses toiles aux univers oniriques.

À la peinture s’ajoute peu à peu l’écriture de romans et de recueils de poésie, pour lesquels l’artiste originaire de l’Abitibi-Témiscamingue reçoit plusieurs prix. 

Rapidement, Virginia s’aperçoit que ces différentes formes artistiques coexistent et cohabitent, comme deux versants d’une même pratique : «L’aspect solaire, c’est la peinture. J’utilise des couleurs très chaudes. Quand je peins, je suis dans un état de grande joie. La partie lunaire de mon travail, c’est l’écriture. L’écriture, pour moi, c’est ardu, c’est difficile, c’est douloureux.»

Il y a toutefois quelque chose de lumineux dans l’acte d’écrire, quelque chose de cathartique. Même quand la lune est plongée dans l’obscurité, la lumière du soleil continue de s’y refléter et de nous parvenir indirectement, tel un phare dans la nuit.

«J’écris dans l’urgence. Mon premier roman, Ourse bleue, je l’ai écrit parce que mon père était en train de mourir. Je l’ai commencé quelques mois avant sa mort et j’ai continué l’écriture par la suite pour rester en vie, malgré le deuil, parce que c’était l’aîné qui partait. C’était vraiment le dernier des ancêtres. Je n’avais plus d’oncles ni de tantes. Je devenais l’aînée de la famille du clan et c’était comme si un vide s’ouvrait devant moi. Ma fille me disait : “Grand-Papa, c’était ton contrefort face à l’éternité.” Elle avait compris ce que je vivais.»

Pour Virginia, l’écriture répond au désir de perpétuer la mémoire de celles et ceux qui l’ont précédée, mais également au besoin de transmettre un précieux savoir qui, autrement, risquerait de se perdre.

«Dans ma génération, je suis la dernière de tous les êtres qui se sont reproduits jusqu’à moi, ma fille et ma petite-fille. Le dernier représentant de la lignée est toujours porteur d’une immense mémoire qu’il ne faut pas laisser aller. C’est très important de dire qui nous sommes, aussi. Qui es-tu? D’où viens-tu?»

Elle se réjouit d’ailleurs de l’intérêt que porte la nouvelle génération à ce lien de filiation : «Ce que je trouve extraordinaire, c’est que les enfants suivent. Il y a une prise de conscience des jeunes Autochtones qui se réveillent et qui se disent : “On en a des choses à dire, on va écouter nos Anciens, on va écouter nos grands-parents.”»

Avec beaucoup de générosité, celle qui se décrit comme une personne éprise de liberté a accepté d’écrire un poème sur le thème des retrouvailles. À ce sujet, Virginia confie que la solitude favorise la créativité, mais qu’il est tout de même nécessaire de sortir et de rencontrer des gens pour se ressourcer : «Je suis une solitaire, mais j’aime voyager. J’ai besoin de voir du monde pour rire et avoir du plaisir.»

Son approche se veut très intimiste. «Je rédige à partir de mon expérience personnelle», précise-t-elle. À la lecture de ses écrits, on constate que la beauté se manifeste partout, et qu’elle émane souvent de la faune et de la flore autour de nous. «La nature est prolifique de sensualité», s’exclame Virginia. Sous sa plume, cette volupté à la fois terrestre et céleste est toujours exprimée avec délicatesse et subtilité. 

Poète de l’intime et créatrice engagée, Virginia se produira bientôt sur les planches de l’ESPACE GO aux côtés de Joséphine Bacon et de huit autres femmes inspirantes, dans le cadre du projet d’écriture théâtrale Neecheemus («mon amour» en langue crie), une prise de parole intergénérationnelle orchestrée par l’autrice et metteure en scène Émilie Monnet.

quand l’arbre aux racines profondes s’étend de son long
sous les mémoires vives de la terre
quand la fidélité de l’outarde meurt
sous le regard de l’épervier aiguisé en vents contraires
par force majeure quand plus fort que nous
nous prive d’oxygène de la main nécessaire à la joie
quand plus fort que nous abat tout du cristal solaire
nous savons alors la puissance des coeurs vivants

de ceux appelés du fond de l’exil de ceux palpitants
contre nos corps enfin retrouvés enfin enrobés de nous
enrobés de larmes emmêlés de rires la danse du retour
après la séquestration des ventres par la peur
éclate le soleil à partir du centre du monde
celui des fables jamais racontées
sobre précise subtile dense pure
enfin la poésie des sens renaît

tu m’inviteras autour du lac
là où tu habites nous goûterons le meilleur vin
écouterons Hiromi Uehara son piano virtuose
longtemps dans la nuit dans le calme plat
tu m’apprendras le risotto ton amitié
autour de mes épaules ton geste
de remplacer mon verre taché
et le chien qui dort à côté du feu
pétillant comme notre allégresse

nous parlerons sans reprendre souffle
tu me diras la noirceur de la solitude
masquée tu me diras l’absence de voix
tu me diras le silence du sable sur la plage
je te dirai ma peau orpheline de ta main
ta main privée des courbes de mon corps
de mon corps amputé vulnérable avec sa faim
pour dévorer la vie

Découvrez l'univers de Virginia Pesemapeo Bordeleau :

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