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Rencontrez Jonathan Roy

6 déc 2022

Jonathan Roy s'est découvert un intérêt pour la poésie «sur le tard». Ce n'est qu'au début de la vingtaine, dans un cours universitaire dédié à la poésie acadienne, que le poète néo-brunswickois s'est senti happé par cette forme littéraire. «J'ai découvert la poésie dans son ensemble, mais surtout la poésie contemporaine et la poésie de chez nous, dans une langue qui ressemblait à la mienne, dans une langue orale.»

La poésie devenait tout à coup vivante et accessible. En peu de temps, celui qui ne connaissait pas la poésie en est devenu «un avide » lecteur, puis a eu envie d'en écrire.

Jonathan se considère comme plutôt introverti; la poésie s'est révélée être une façon de rejoindre «le grand discours social». Grâce à la langue et au travail des mots, il peut s'exprimer avec une fougue dont il n'oserait pas faire preuve dans un autre contexte. «En proposant une vérité subjective, recomposée et fragmentée, on peut faire ressentir des choses au lecteur ou à la lectrice.»

«La poésie est une façon d'aller vers l'autre, c'est un moyen de communication.» Il aime l'idée que la poésie permet de faire partie d'une communauté, d'entrer en contact avec les autres, malgré le temps ou la distance.

Les œuvres d'auteurs autochtones ont particulièrement sensibilisé le poète aux nombreux enjeux auxquels les membres des Premières Nations et les Inuits font face. C'est grâce à leurs textes qu'il a eu envie d'en apprendre plus sur leur réalité.

Le poète, directeur du Festival acadien de poésie et poète officiel de la ville de Caraquet, souhaite faire tomber la «barrière invisible entre les gens et la poésie». Contrairement à la musique et aux chansons qui bercent notre quotidien, la poésie est souvent présentée comme «quelque chose de compliqué, qu'on doit déchiffrer pendant des heures pour en trouver le vrai sens».

Par ses écrits teintés d'oralité et par son implication au sein du Festival, Jonathan souhaite montrer que la poésie est plus accessible qu'on ne le croit, qu'en feuilletant un recueil, «un seul vers peut venir nous renverser, et que c'est bien suffisant.»

Il croit qu'on doit «faire entrer la poésie dans le quotidien des gens», leur faire découvrir le plaisir d'en lire. Pour y parvenir, il est d'avis que la poésie doit sortir des livres, être amenée sur la place publique, et être entendue. Ses propres lectures sont d'ailleurs fortement influencées par la programmation du Festival.

Il préfère lire des poèmes qu'il a préalablement entendus. Cela donne accès à une dimension plus intime du texte et ajoute des degrés de sens qui seraient difficiles à percevoir à l'écrit. «J'aime cette rémanence de la voix, quand la personne n'est plus là et que je tiens le livre dans mes mains.»

Entendre une ou un poète réciter son texte permet souvent de mieux comprendre la rythmique et la musicalité des mots. C'est pourquoi il croit primordial d'organiser des événements qui misent sur l'oralité et sur l'aspect communautaire et rassembleur de la poésie. 

Depuis 3 ans, Jonathan écrit dans un atelier qu'il dédie exclusivement à son art, un environnement qui lui permet d'explorer tous les médiums qui l'inspirent, comme la vidéo de poésie ou les arts visuels. Il voit cet espace comme la représentation physique de son univers créatif, une extension de son imaginaire. Cet espace est pour lui une sorte de «desktop d'ordinateur», où il peut tout laisser en plan et y revenir au moment voulu.

Il aime tout ce qui lui permet de rendre la poésie et le travail des mots plus tangibles. Souvent, il préfère composer ses textes à la dactylo puisque ça lui permet «de sortir de l'abstraction, d'aller chercher une dimension manuelle à l'art d'écrire, qui sort de la tête, des mots et du langage.»

Tout cela donne naissance à une poésie contemporaine, actuelle, qui s'inspire des paysages et des réalités de son coin de pays. Une poésie influencée par la langue nord-acadienne et par tous les gens qui entourent le poète ou qui croisent sa route.

à feux doux

faque tu prends à gauche
à la troisième dérape
après le dépanneur

si t'es rendu à genoux
t'es trop loin

ça va te revenir en chemin tu vas voir
tu peux pas te tromper j'ai même changé
l'ampoule de la sentinelle pour une rouge
en même temps que celles de mes yeux
en même temps que la batterie du détecteur
astheure qu'on change l'heure
pis que le chalin est rebranché

moi aussi j'avais oublié le courant
le goût du métal sur la langue

rouge parce que c'est plus doux de même
que nos peaux rouillées amincies au grinder ont perdu
l'habitude de se panser dans le monde
parce que je est fragile
parce qu'on voudrait redire nous
mais qu'eux autres nous font
encore peur

rouge pour revenir doucement
vers la tension des corps contraires et imprévisibles
montés à la tête au prosecco à même la bouteille
et aux bourgeons de braise passés
de mains en lèvres en faisceaux de paroles ravageantes
découpées dans le brouillard de nos souffles
sortis prendre l'air juste pour checker
si le hasard existe encore

même si on sait que sur toutes les côtes
les esseulés rêvent aux îles
à cause de la bouée du chenal

même si je sais que si un jour
je mange le ciel pour de vrai
je ne pourrai plus te dire
que je ne suis pas une métaphore
que j'ai désappris à parler
que ceci n'est pas la littérature
que j'aurais aimé te dire exactement ça
avant le vide

viens donc

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