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Rencontrez Emné Nasereddine

27 déc 2022

Emné Nasereddine est poète. C’est dans cette forme brève où son souffle devient court et où les mots se font rares qu’elle arrive à sublimer l’impondérable. Ayant grandi au Liban, l’écrivaine utilise ce qu’elle appelle «l’art du dépoussiérage» pour adoucir une voix de laquelle on attend beaucoup.

«En tant que femme racisée, j’ai l’impression que ma prise de parole n’est pas sans conséquence. [...] La poésie c’est une sorte de détournement. Je peux aborder des sujets qui sont difficiles avec amour, tendresse et maternité.»

L’affiliation maternelle est un thème qui hante Emné tout comme elle habite son œuvre. La poète se voit entourée de manifestations de la maternité dans ses liens sociaux, dans sa relation avec le monde et dans sa vision de l’art.

«J’ai un rapport maternel à ma poésie. Quand j’ai terminé un poème, j’ai l’impression d’avoir accouché de quelque chose. Je suis très indécise aussi. J’ai du mal à lâcher le morceau, comme une maman. Et quand le poème quitte enfin le nid, je vis une peine d’amour.»

La maternité est au cœur du recueil d’Emné, La danse du figuier. Publié en 2021, le livre a valu à la poète le prix Émile-Nelligan, récompense attribuée annuellement à un ou à une poète francophone de moins de 35 ans s’illustrant en Amérique du Nord.

L’ouvrage a tout d’abord été conçu comme un monologue où une femme incarne successivement la grand-mère, la mère et la fille. Les trois femmes se conjuguent ainsi en une seule voix composée de cette même tendresse qui les traverse, unifiant leurs récits, indissociables et désormais immortels.

Et c’est à même le cœur de ce texte devenu poésie qui porte si sensiblement leur histoire qu’on peut lire ces mots : «Les femmes de mon pays meurent avant d’écrire.»

L’autrice qualifie sa pratique artistique d’indisciplinée. «Je suis volatile, je m’éparpille beaucoup. La poésie me recentre et c’est pourquoi j’écris.» Emné se laisse ainsi porter par toutes les subtilités de ces moments où la poésie vient à elle.

Son élan créatif notoirement indomptable lui rend visite selon ses termes à lui, que ce soit au café, entre deux stations de métro ou lors de soirées entre amis. «Je n’ai jamais eu de bureau ou de lieu prédestiné à l’écriture. J’écris un peu partout, parce que justement la poésie, pour moi, elle arrive très souvent à l’improviste et c’est à moi d’être attentive.»  Emné sait qu’il faut savoir reconnaître ces instants où naît la poésie afin d’être en mesure de capturer les mots indociles.

Lorsqu’on lui demande si la poésie est nécessaire, Emné nous confie qu’elle se questionne constamment à ce propos. Sans vouloir s’exprimer au nom du monde entier, elle affirme qu’il s’agit d’une chose essentielle.

«Ça me permet de vivre dans un monde qui est en pleine décadence, qui est en train de tomber. Pour moi, la poésie est le lieu de la beauté.»

Les mots d’Emné explorent aujourd’hui la crise écologique. «C’est beaucoup trop tard pour sauver quoi que soit, mais j’ai encore et toujours ce rapport maternel à la Terre. J’essaie de la bercer comme je le peux.» Résolument résistante, Emné porte délibérément l’étiquette d’artiste engagée puisque, pour elle, tous les poètes le sont, et ce, par le simple fait qu’ils écrivent. «Selon moi, la vie est un combat et écrire est un remède.»

Si Emné Nasereddine aime la poésie, c’est parce qu’elle a l’impression que c’est un art qui a le brillant pouvoir d’injecter une douceur particulière aux sujets qui fâchent, de recentrer la parole et de reconduire à l’essentiel.

«Quand j’écris, je suis dans un état de jouissance. C’est un grand bonheur pour moi parce que j’ai l’impression de pouvoir palper la beauté, d’y avoir enfin accès.»

D’un côté il y a la mer
et la trace des bélugas
de l’autre côté
il y a la cavité du désert
et des formes errent.
Ce sont les choses qui me composent.
À l’œil nu, on voit
              le sol frémir en dessous des caroubiers
              les décrets se saisir des corps
              ma chair qui finit par craquer
une petite fissure au début.
C’est à peine si le vent peut passer.
Puis beaucoup de personnes finissent par rentrer
ils disent                        nous sommes ici            dans ton nom.
Mes flancs sont larges
je ne dis pas moi, je dis nous 
je partage le thé.
Ensemble, nous échangeons
nos salives
et un poème qui tangue.
Il ne fait pas de bruit
il décloître le ciel.
Nous nous voyons retrouvés
devant des myriades de pierre
le dévalement des merles
au fond des rivières
où minuit danse
quelque part où
le lieu ne convulse plus
des distances épaissies.
Je racle les soleils qui nous ont fait patienter
je suis chez vous avec le thym
le rictus de la montagne
l’amitié.

Découvrez l'univers d'Emné Nasereddine :

Son recueil